« Faut qu'on parle, j'ai quelque chose à te dire ! Rdv Times Square 19h ? T'aime. H » - « Ok. Ouais, faut qu'on parle. A ce soir. M. » Sur ces mots, Melany rangea rageusement son téléphone dans son sac à main. Voilà près de vingt-quatre heures que la jeune blonde n'avait pas pris contact avec sa sœur. Une après midi, une nuit, et une matinée. Un tel maelström d'émotions s'était formé au fin fond de son petit cœur fragile mais endurci par les épreuves : Rage, déception, tristesse, incompréhension, jalousie ... Tout cela se succédant et se mélangeant à une vitesse fulgurante. Ce soir là, elle passa la nuit à l’hôtel, ne se sentant pas capable de mettre Troy au courant de la situation. Sa faiblesse la poussait à s'isoler, à rester seule, dans le noir, comme la petite fille qu'elle fut encore il y a de cela quelques années... Il lui arrivait de revenir, dans les périodes les plus noires de Melany, la poussant vers les extrémités de la douleur. Incapable de tenir debout, la jeune fille se précipita dans la première ruelle qu'elle trouva, et s'écrasa sur le mur, glissant lentement le long de la paroi avant de s'effondrer en larmes sur le sol. Recroquevillée, ses grands yeux verts baignés de larmes, elle se laissa aller au chagrin durant de longues minutes, incapable de trouver une quelconque quiétude. La joie, la félicité la caractérisant d'ordinaire, tout l'avait abandonnée. Elle n'avait plus la force de combattre contre rien. Pour sa survie, pour sa nouvelle vie, pour Hope ... Elle ne voulait plus rien. Décidant soudainement de ne pas se laisser abattre, un élan la fit se redresser, et elle regarda l'heure : Dix-huit heures quarante cinq. Il fallait qu'elle sache ... Qu'Holly lui explique pourquoi.

D'un revers rapide de la main, Melany essuya ses quelques larmes et reprit sa route. Elle réajusta sa veste en cuir, légèrement salie lorsque la jeune étudiante fut dans la ruelle, en se regardant rapidement dans la vitrine d'un magasin devant lequel elle passa. En un quart d'heure, il lui serait aisé de rejoindre Times Square de l'endroit ou elle se trouvait. Perchée sur ses talons qui claquaient avec un léger bruit sur le bitume, elle accéléra le pas malgré tout, histoire d'être sure d'arriver avant sa meilleure amie. Au bout de très exactement douze minutes, elle s'arrêta devant le magasin Apple, l'un des endroits ou Melany et Holly se retrouvaient toujours avant de faire une virée dans Times Square. Et bingo, deux minutes plus tard, tout sourire, se pointait Holly Loan Waltz, se jetant sur son amie en bafouillant des phrases dont Melany ne chercha même pas à comprendre le sens. Le regard sombre, rivé dans celui de la brune, celle-ci compris instantanément que quelque chose ne tournait pas rond.

« Tu la connais depuis même pas un an. Depuis plus de deux ans, on a tout vécu. Tu m'as connue dans mes moments les plus bas, on vit ensemble, sur les papiers nous sommes sœurs, tu m'as tenu la main avant mon accouchement, je t'ai pris dans MES bras quand tu as perdu ton enfant ! Alors pourquoi ... Pourquoi est ce que tu lui as plus parlé à elle qu'à moi ... ? » Termina Melany, fondant en larmes en plein milieu de la rue.

Melany plongea sa main tremblante dans sa poche, et en sortit son portable, sur lequel était enregistré grâce au dictaphone une conversation. Très clairement, on pouvait reconnaître la voix de Lorelei au cours d'une discussion avec Holly. Elle lui parlait d'un secret, d'un garçon, de quelque chose qu'elle n'avait dit à personne, pas même à Melany. Silencieusement, la jeune photographe regarda le visage de sa meilleure amie se décomposer au fur et a mesure que la conversation s'écoulait. Enfin, à la coupure de la voix, Melany rangea son téléphone et s'exprima d'une voix froide.

« Alors ça y est, tu as trouvé ta famille maintenant. Plus besoin du sale petit bouche trou que tu as trouvé il y a deux ans. »

Rongée par la douleur et la déception, plus aucune émotion chaleureuse ne transparaissait sur le visage de Melany. Elle qui d'ordinaire était toujours souriante, dynamique, prête à tout faire pour aider les autres, son regard était désormais vidé de toute expression, si ce n'est le dégoût qui apparaissait dans ses yeux couleur émeraude. Tout ce qu'elle avait pu vivre ces deux dernières années en compagnie d'Holly lui revenait à l'esprit, comme un élastique qu'elle aurait tendu trop longtemps et qui aurait fini par lui claquer au visage : Cette plage sur laquelle elles s'étaient rencontrées, à Boston. Ces nombreuses nuits durant lesquelles Melany s'était réveillée, en larmes, incapable de se calmer après un cauchemar dans lequel elle revivait tout son passé à Los Angeles. Mais aussi, sa peur lorsqu'elle apprit qu'elle était enceinte, et les mots rassurants qu'eut sa sœur envers elle, pour canaliser sa peur, et l'aider à prendre la bonne décision. Elle fut aussi la seule et unique personne présente pour Holly lorsque celle-ci perdit son bébé, étant tombée enceinte par erreur après une nuit avec Night Tenjô. Tant d’évènements en si peu de temps ... Et malgré tout la jeune photographe se sentait trahie, trompée, dupée ... Et incroyablement seule. Elle qui n'avait qu'Holly à qui se raccrocher dans ses moments de faiblesse, seule personne au courant de son douloureux passé, voilà qu'elle n'avait plus personne. Tout cela par la faute d'une seule et unique personne, survenue depuis un an pour briser toute la complicité s'étant instaurée entre la blonde et la brune : Lorelei Forbes. Bien sur, elle aurait pu l'accepter, devenir même son amie, si seulement celle-ci ne s'était pas complètement accaparé Holly. Au fil des mois, celle ci s'absentait de plus en plus souvent de leur appartement, allant passer la nuit avec Lorelei et laissant Melany complètement seule. De quoi rendre la jeune fille jalouse, et de quoi la faire se sentir totalement délaissée. Elle qui avait en quelques sortes trouvé sa grande sœur, voilà que désormais, on lui arrachait sans qu'elle ne puisse rien y faire.

Debout face à la brune aux yeux verts, en plein milieu de la rue, même les lumières des néons de Times Square ne parvenaient pas à allumer la moindre lueur dans le regard de Melany. « Mel, ce... C'est pas ce que tu... Je voulais t'en parler, mais... P.... Pourquoi tu parles de bouche trou ? Tu es tout sauf ça à mes yeux ! Tu es ma sœur, pas seulement sur les papiers... » bafouilla-t-elle alors, visiblement peinée. Mais à l'heure actuelle, cela importait peu à la jeune photographe, qui n'attendait qu'une seule et unique chose en retour : Des explications. Et si elles n'étaient pas valables, les chances étaient maigres que Melany n'en veuille pas à Holly.

« Tu VOULAIS m'en parler ? Non mais tu rigoles j'espère, tu as eu deux ans pour le faire, vingt-quatre mois, si ce n'est plus ! Mais non, tu vas me dire qu'avec Lorelei les choses sont plus simples, c'est ça ? après tout, c'est vrai, ça doit être différent, vous partagez le même sang ... » Murmura pour finir la jeune fille d'une voix amère, le regard partant dans le vague.

Une nouvelle larme vint doucement couler le long de la joue de l'adolescente, qui d'un revers rapide de la main l'essuya avec sécheresse. La jeune fille fit un rire bref, en suite à la dernière remarque de son amie. Un rire qui sonnait tout sauf sincère. Elle déglutit et croisa les bras autour de sa poitrine, respirant profondément pour garder son calme. Il ne fallait pas qu'elle perde le contrôle et qu'elle fonde en larmes en plein milieu de Times Square.

« Que nous soyons sœurs en dehors que sur ce putain de morceau de papier, j'y ai cru, sincèrement. Un temps. Mais apparemment je me suis bercée d'illusions. »

Et voilà qu'elle restait là, ainsi, debout, rongée par la douleur, et observant d'un air impassible celle qui avait partagé ses jours comme ses nuits depuis deux ans. Holly n'était pas, aux yeux de la blondinette, une remplaçante affective de Jeremy, qui lors de son enfance fut son grand frère, le seul en lequel elle avait toujours eu une confiance aveugle, sauf au moment ou elle aurait du le croire le plus. Non, Holly était tout à fait quelqu'un d'autre aux yeux de Melany, mais malgré tout, cet attachement était aussi puissant ... Sa confiance aussi dévouée. Alors pourquoi, pourquoi fallait-il qu'elle lui ai menti durant des mois sur son passé, qu'elle lui ai dissimulé toute la vérité ? Pourtant, sans prétention, la jeune photographe connaissait son amie mieux que quiconque. Leur amitié et leur proximité depuis tout ce qu'elles avaient vécu ensemble leur a permis mutuellement d'apprendre à se connaître, à se déchiffrer, à tout deviner l'une de l'autre. Mais apparemment, la jeune Waltz avait sa part de mystère qu'aujourd'hui, sa jeune sœur par adoption n'avait jamais réussi à déceler dans un regard. Bien sur, ç'a toujours été une jeune fille torturée par ses démons, mais jusque maintenant, Melany avait toujours pensé qu'il s'agissait de sa mère, ou de sa fausse couche alors qu'elle était enceinte de Tenjô. Mais non ... Il y avait plus. Tellement plus, tellement de choses que jamais la jeune étudiante de Colombia n'avait jamais soupçonnées ... Plus que trahie, elle se sentait tout à coup insignifiante, inutile, sans le moindre intérêt aux yeux de celle en qui elle avait cru jusqu'au bout.

Plus que blessée, Melany avait cette impression que tout ce qu'elle avait vécu jusque maintenant n'avait été basé que sur mensonges et dissimulations. Aveuglée par la colère et la douleur, elle avait éclipsé de son esprit toutes les belles choses qu'elle avait pu vivre avec Holly. Il ne restait plus que le mal, les mauvaises choses, tous les instants durant lesquels Melany avait eu le cœur brisé. Meurtrie par une révélation qu'elle n'avait même pas eu de la bouche d'Holly, elle ne pouvait plus rien supporter, comme si tout le poids du monde s'était abattu sur ses épaules. Elle lui demanda alors d'oublier ça, et brutalement, Melany fit un pas en arrière, le regard désormais plus marqué par de la tristesse que de la colère.

« Non ... Tu n'as pas le droit de me demander d'oublier. Et je suis désolée ... Avoir peur n'est pas une raison suffisante . Tu aurais du me faire d'avantage confiance ... » Dit elle, une larme roulant de nouveau de son œil jusqu'à la commissure de ses lèvres roses.

Attristée, désespérée, c'en était trop pour l'adolescente, qui fit un pas en arrière, puis deux, avant de s'enfuir en courant dans la rue.