Holly était dans sa chambre d'hôtel, affalée sur le grand lit mis à sa disposition. Sa chambre était luxueuse, tout comme l'hôtel entier. Sa fortune la troublait encore de temps à autres. Elle avait mis du temps à découvrir d'où celle-ci provenait. Puis à sa sortie de l'hôpital, alors que plusieurs gens l'abordaient dans la rue pour lui demander une photo, ou une signature, elle comprit que sa vie devait tourner autour d'un Job célèbre, voilà d'où provenait tout cet argent qu'elle avait sur son compte en banque. Elle en eut d'ailleurs la confirmation, lorsque son éditeur l'appela, en rogne contre elle pour ne pas lui avoir encore rendu son second bouquin. Le jeune homme avait été dans la confusion la plus totale quand Holly lui avait simplement demandé qui osait s'adresser à elle de cette façon, et qu'elle avait ajouté qu'elle ne comprenait pas un traitre mot de ce qu'il racontait. Arturo, son éditeur Espagnol, avait d'abord cru à une blague. Il lui avait demandé de rappliquer immédiatement à son bureau, seul problème: Holly n'avait aucune idée de l'endroit où cela se trouvait. La jeune femme avait finit par lui expliquer sa situation, puis lui avait dis qu'elle regarderait chez elle pour voir si elle trouvait une trace de maquette de ce livre en question. Chose faite, elle avait rappelé Arturo et lui avait remis le livre en mains propres.

Apparemment l'ouvrage l'avait satisfait, puisqu'il l'avait rappelée en l'informant qu'il ne manquait plus que la dédicace. Holly lui demanda une faveur, à cause de son état critique. Puisqu'elle n'avait absolument aucuns souvenirs de personnes à qui elle pourrait dédicacer ce livre, elle demanda à Arturo de faire l'impasse sur la dédicace pour cette fois. Mais le jeune Espagnol ne l'entendait pas de cette oreille là. Il lui donna 24h de plus pour trouver quelque chose, n'importe quoi. Après avoir tourné en rond quelques heures, elle se saisit de son portable, et tapa quelques simples mots.

«A toutes ces âmes perdues et dépourvues de repères.»

Quelques semaines étaient passées, et voilà qu'elle se retrouvait à Albuquerque, ville de son enfance lui avait-on dit. Les premiers jours de son réveil après un coma long de deux semaines, elle ignorait même que son pays d'origine était les Etats-Unis. Ce qui avait le plus étonné les médecins, était que malgré le fait qu'elle ne parle qu'Espagnol depuis son réveil, sa langue maternelle ne s'était pas effacée de son esprit pour autant. C'était une des seules traces qu'il restait. Bref elle s'était pris une chambre dans un hôtel, et voilà comment on en arrivait à une Holly assoupie au milieu d'un lit qui n'était pas le sien. Mais son sommeil n'était pas des plus calmes. Depuis quelques jours, un rêve était devenu une rengaine incessante dans son esprit. Elle se retrouvait au milieu d'une rue vide, puis tout à coup, sortie de nulle part, une voiture lui fonçait dedans et l'envoyait valser à plusieurs mètres du point d'impact. Alors qu'elle faisait une nouvelle fois ce cauchemar, la sonnerie de son téléphone portable la réveilla en sursaut. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. Elle passa une main fébrile sous ses cheveux pour recueillir les gouttes, et attrapa son téléphone qu'elle décrocha immédiatement.

- Allô ? Fit-elle d'une petite voix. [...] Ouais, c'est bon tu peux y aller. [...] Hm... Ah bon, à Albuquerque aussi? T'en es sûr?

Holly se décala pour laisser ses jambes tomber en dehors du lit. Elle s'appuya sur l'une de ses mains et se pencha en avant vers la table de chevet. Elle en sortit un petit carnet noir d'où dépassaient plusieurs photos récupérées dans son appartement en Espagne. Elle passa un certain nombre de photos sans y prêter plus d'attention que cela, puis elle s'arrêta sur celle qu'elle recherchait. Sur l'image, deux personnes posaient. Une jeune fille blonde, elle-même, et un jeune homme brun. Les deux personnes souriaient fermement à l'objectif. Et on pouvait voir en arrière plan deux jeunes enfants, du même âge apparemment, gambader dans le sable. Holly passa doucement son pouce sur le bord de la photo en se pinçant la lèvre inférieure.

- Okay merci Mi'. [...] Oui j'ai noté l'adresse, je verrai si je vais y faire un tour ou pas. J'ai pas à reprendre l'avion c'est déjà ça.

Son interlocuteur se mit à rire face à la peur panique qu'affichait Holly face aux avions. Elle lui lança un petit "Bye", puis raccrocha. Après avoir reposé le petit objet métallique sur le lit, juste à côté d'elle, elle se leva et se dirigea vers la salle de bain, retoucha son maquillage légèrement, se recoiffa et ressortit en éteignant la lumière. Elle attrapa son sac, une veste, prit la photo où elle avait marqué l'adresse au dos, et sortit de la chambre. Un quart d'heure plus tard, elle garait sa voiture de location dans une allée qui lui procurait une étrange sensation de déjà-vu. Coupant le moteur, elle se hissa lentement en dehors de la voiture, puis commença à s'avancer vers une maison qui lui envoyait une sorte de décharge électrique à chaque fois qu'elle se rapprochait d'un mètre. Arrivée devant la porte, elle hésita. Hésita encore, puis hésita à nouveau. Presqu'automatiquement, ses doigts vinrent confronter le mur de bois qui faisait office de porte d'entrée. Surprise par son propre geste, elle resta figée devant la porte, attendant probablement que le ciel lui tombe sur la tête.

Allongé sur le lit de sa chambre, Troy éprouvait une nouvelle fois toutes les peines du monde à trouver le sommeil. Après avoir testé différentes positions sans le moindre succès, le jeune homme poussa un soupir de découragement constatant avec amertume que le nuit promettait d'être longue. Sachant parfaitement que les calmants ne lui feraient aucun effet, Troy s'asseya en tailleur tout en se retenant pour ne pas verser quelques larmes: laissant souvent ses émotions négatives s'accumuler au fond de son coeur durant la journée, le jeune homme relachait la pression lorsqu'il se retrouvait à l'abris des regards. Cette solitude? Troy l'avait tant de fois recherché par le passé qu'il était difficile de croire que le jeune homme tentait de la fuir par tous les moyens depuis plusieurs mois. Pourtant, ce n'était que le simple reflet de la réalité: le silence, autrefois si apaisant à ses yeux, était devenue une torture que Troy n'arrivait plus à affronter. Il redoutait la nuit et était effrayé à la simple idée de rejoindre son lit craignant que le sommeil ne l'emporte vers de nouveaux cauchemars: son imagination débordante prenait un malin plaisir à lui jouer de mauvais tours.

Brusquement, Troy trembla de tout son long et il s'empressa alors de s'emmitoufler dans sa couverture: un violent frisson venait de traverser chaque parcelle de son corps. Gardant le silence, il resta immobile comme paralysé par la peur donnant l'impression de ressembler à un enfant qui n'arriverait pas à se remettre du film d'horreur qu'il venait de regarder à la télé. Puis rapidement, la chaleur devint insupportable et Troy eut soudainement l'impression d'étouffer: il se leva alors du lit et se mit à la fenêtre de sa chambre qu'il ouvrit dans l'espoir de trouver un peu d'air frais. Essuyant son front baigné de sueur, Troy appela Jade qui le rejoignit quelques secondes plus tard: trouvant du réconfort auprès de sa pierre précieuse, il se remit doucement de ses émotions...

Ce calvaire? Troy le revivait en boucle chaque nuit d'une manière plus ou moins intense. Pathétique me direz-vous? Le jeune homme en était le premier convaincu et ne trouvait aucune parade pour sortir de cette situation: un sentiment de honte l'envahissait le rendant fragile et vulnérable. Devait-il se dévoiler au grand jour? Troy n'avait jamais envisagé cette solution ne souhaitant pas qu'une telle confidence parvienne aux oreilles de ses amis. Ce secret? Il était bien décidé à l'emporter dans sa tombe

Tout en caressant Jade pour se rassurer, Troy hocha la tête tandis que son regard se perdait dans l'obscurité de la nuit. Comment avait-il pu tomber aussi bas? Le jeune homme n'en avait aucune idée mais en assumait l'entière responsabilité. Bien évidemment, il était facile de basculer dans l'égoïsme lorsque la vie se chargeait de vous mettre des bâtons dans les roues: après tout, personne ne lui aurait jeté la pierre si il avait accusé Holly d'être responsable de sa situation actuelle. Pourtant, aux yeux de Troy, il était hors de question de rentrer dans ce jeu: le jeune homme préferait souffrir seul dans son coin plutôt que de s'en prendre à un ange qui avait laissé une empreinte indescriptible au fond de son coeur. Les décisions? Troy les avait pris en son âme et conscience: le jeune hommme était donc le seul responsable de son propre malheur...

Ayant beaucoup de mal à digérer ce constat amer, Troy décida de se changer les idées: à ce rythme là, son anéantissement allait finir par lui être fatal. Allumant sa lampe de chevet, le jeune homme fouilla alors dans les tiroirs de sa commode étalant par la suite des dizaines de feuilles sur son lit: se munissant d'un stylo, il se plongea alors dans la lecture. Soudainement, Troy parut alors beaucoup plus serein faisant preuve d'une grande concentration: son angoisse avait totalement disparu. Surprenant pour ne pas dire troublant, n'est ce pas?

En réalité, le contenu de ses papiers n'avait rien d'anodin, bien au contraire: Troy y fondait même tous ses espoirs. N'ayant jamais oublié sa passion de toujours, le jeune homme savait qu'un jour ou l'autre, il devrait franchir le pas pour réaliser son rêve: se faire une place dans le monde de la musique. Souhaitant s'inspirer de sa propre vie, Troy avait alors élaboré quelques brouillons dans lesquels il décrivait ses émotions se livrant ainsi sans détour. A coeur ouvert, le jeune homme avait alors exploité les idées les plus intéressantes dans le but d'écrire des chansons: peu à peu, son oeuvre s'était alors mise en place. Cependant, suite à sa rupture avec Holly, Troy avait laissé son projet de côté durant quelques semaines envisageant même de l'abandonner définitivement. Pouvait-il en être autrement?

Au bout de quelques heures, Troy avait fait le tour de cette question: au cours de ces derniers mois, il avait déjà écrit une quinzaine de chansons ce qui était largement suffisant pour sortir un disque. Dernier petit détail pour parachever son oeuvre? Le jeune homme devait encore trouver le titre de son futur album. Voyant qu'il commençait à s'assoupir, Troy jeta un coup d'oeil à sa montre: le soleil n'allait pas tarder à se lever. Cédant peu à peu à la fatigue, il tenta de résister mais le sommeil n'allait pas tarder à remporter la partie: c'est alors qu'une idée brillante lui traversa l'esprit. Saisissant un papier, Troy nota ce fragment de pensée juste avant que ses paupières ne se referment définitivement: coquille vide.

* Ces deux mots résument parfaitement mon état d'esprit depuis quelque temps *

Etait-il possible de trouver plus agaçant que la sonnerie de son réveil lorsqu'on avait la chance de dormir profondément? Troy eut la réponse à cette question dès le lendemain matin lorsque ses jumeaux prirent un malin plaisir à hurler dans ses oreilles alors qu'il pouvait enfin faire la grasse matinée. Restant de bonne humeur, il se prépara en quatrième vitesse remerciant finalement Nina et Mathéo de l'avoir tiré de son lit: la nuit lui avait porté conseil...

Laissant ses jumeaux profiter de leur petit-déjeuner, Troy s'activa dans la cuisine ne voulant pas perdre une seule seconde: sa journée risquait d'être particulièrement chargée mais il ne voulait plus modifier ses plans. Le jeune homme était plus motivé que jamais: il était convaincu de se retrouver à un tournant de sa vie. Puis soudainement, des aboiements résonnèrent dans l'appartement et Troy soupira tout en hochant la tête: Jade faisait de nouveau des siennes

- Qu'est ce qui se passe encore?

Sortant de la cuisine, Troy remarqua alors que sa pierre précieuse se trouvait devant la porte tout en la regardant avec insistance. Pourtant, le jeune homme n'avait pas entendu quelqu'un frapper

* Cela ne me coûte rien de jeter un coup d'oeil dehors *

Poussant sa chienne tout en lui ordonnant de se calmer, Troy ouvrit donc la porte: il remarqua alors qu'une belle inconnue se tenait juste devant lui. Fronçant les sourcils, il l'observa l'air surpris remarquant immédiatement qu'elle n'avait pas vraiment l'air dans son assiette. Ayant la tête baissée, il pouvait difficilement distinguer son visage...

- Je peux vous aider?

La jeune brune, encore étonnée de son propre acte, poussa un soupir, comme pour se donner du courage et affronter ce qui l'attendait. Doucement, elle glissa ses doigts dans la poche droite de sa veste et en tira un morceau de papier cartonné qu'elle avait minutieusement observé durant de longues heures. Elle tenait donc entre ses mains la même photographie que quelques minutes plus tôt, dans sa chambre d'hôtel. La jeune femme déplia le morceau de papier et regarda une nouvelle fois le le garçon qui se trouvait à ses côtés. Un aboiement continuel la fit alors sursauter, et lâcher la photographie qui retomba lentement sur le sol. Holly s'empressa de la ramasser et de la ranger dans sa poche.

Alors que Jade continuait d'aboyer derrière la porte, Holly enfouit son visage entre ses mains en soupirant un grand coup. Et alors qu'elle glissait ses mains le long de son visage avec insistance, elle sentit un petit objet dur lui égratigner la joue. Fronçant les sourcils, elle baissa sa main gauche pour la regarder plus attentivement, tandis que la droite venait cueillir une petite goutte de sang sur la joue blessée.

*Comment j'ai fais pour faire l'impasse sur ce détail?*

Une petite bague en argent était perchée autour de son annulaire gauche. Holly ne pu passer plus de temps à la regarder car la porte d'entrée s'ouvrit à la volée. Le jeune homme, au grand soulagement de la brunette, était effectivement le garçon de la photo. Certes il avait quelques années de plus, mais Holly n'avait aucuns doutes sur son identité. Quand il s'adressa à elle, un peu de son espoir disparu avec ses paroles. Par automatisme, elle dégagea un peu son visage en poussant sa frange sur le côté droit de sa figure. Adressant un sourire timide à Troy, elle s'avança d'un pas vers lui en replongeant la main dans sa poche.

- Je l'espère en tout cas.

Holly sortit la photo, la déplia et la tendit à Troy avec une hésitation remarquable. Elle soupira et reprit.

- Vous êtes bien le jeune homme sur cette photo?! Troy... Bolton?!

Elle laissa à Troy le temps de lui confirmer, puis l'informa à son tour de sa propre identité.

- Je m'appelle Holly Brody...

Jetant un coup d'oeil discret à sa montre, Troy semblait sur les nerfs: même si il il se montrait toujours serviable, il espérait que ce petit imprévu de dernière minute n'allait pas le retarder indéfiniment. Depuis le début de la matinée, le jeune homme n'avait plus qu'une obsession en tête: mener son projet à terme. Attendant avec impatience que cette charmante demoiselle dévoile son identité, Troy fut surpris d'être soudainement bousculé: Jade s'agitait tentant par tous les moyens de se frayer un chemin pour sortir de l'appartement. Prenant toutes les précautions qui s'imposaient, Troy décida de la retenir par le collier puis usa de nouveau de son autorité en lui demandant de se coucher: même si il la savait inoffensive, le jeune homme ne voulait pas que cette belle inconnue soit effrayée. Voyant que sa chienne s'était enfin calmée, Troy l'observa attentivement et fut surpris de constater que Jade fixait tristement cette demoiselle comme si cette personne ne lui était pas totalement étrangère

* Je me demande si cette chienne est devenue complètement folle ou si c'est moi qui ait loupé un épisode... *

Hochant la tête l'air perplexe, Troy détourna son regard et afficha un joli sourire constatant par la même occasion que cette ravissante inconnue restait toujours aussi silencieuse. Visiblement, elle était sur la défensive: son attitude laissait planer quelques doutes à son sujet car elle affichait d'inquiétants signes de fébrilité. Alors qu'il se tenait prêt à lui tendre la main, Troy resta de marbre lorsque la jeune fille dévoila enfin son vrai visage en le regardant droit dans les yeux. Le jeune homme resta figé sur place se transformant brutalement en statue de glace: avait-il soudainement perdu le peu de raison qui lui restait? Perdant la maîtrise de ses émotions, Troy sentit son corps vaciller et manqua de tomber à la renverse: sa gorge se noua, son coeur se serra, sa respiration s'intensifia. Le jeune homme ne voulait pas y croire essayant même de se persuader qu'il divagait mais très rapidement il dut se rendre à l'évidence: ce sourire angélique, ce regard de braise étaient des preuves irréfutables...

* Seule Holly est capable de m'envoûter au point de m'en faire perdre tous mes moyens *

Lorsque la jeune fille prit enfin la parole, les derniers doutes de Troy s'envolèrent alors en fumée: ce timbre de voix, si doux et si sensuel, lui avait toujours donné la chair de poule: difficile de s'en persuader mais l'impensable venait pourtant de se produire. N'arrivant plus à détacher son regard de Holly, Troy n'avait pas imaginé un seul instant qu'une nouvelle teinture ne pourrait la rendre que plus charmante. Cependant, si son petit détour par l'Espagne l'avait changé physiquement, Troy n'était pas au bout de ses surprises...

* A quoi joue-t-elle? *

En quelques minutes, Troy fut complètement déconcerté par la conduite de Holly: voilà que la jeune fille lui tendait une photo de leur couple. Quel était donc le but d'une telle manoeuvre? L'observant avec attention, il posa une main sur son coeur. Ce cliché lui rappelait le souvenir du bonheur parfait qu'il avait eu la chance de connaître en compagnie de son ange et de ses jumeaux: revoir une telle photo lui donnait la sensation de subir une longue et pénible torture. Une intense douleur se mit alors à parcourir sa poitrine suscitant une vive colère chez Troy qui ne put contenir sa peine: il observa froidement Holly éprouvant subitement un sentiment de haine à son égard

- Je sais exactement qui tu es. Maintenant, j'aimerais savoir ce que tu es venue faire ici...

Holly observa Troy durant les secondes où il tenait la photo entre ses mains. Il semblait passer par toutes les émotions possibles et inimaginables. Mais le boulversement semblait persister parmi tous ces sentiments contradictoires. Le regard insistant de Troy posé sur elle, alors qu'elle lui expliquait son identité, étrangement, fut loin de la mettre mal à l'aise. Elle osa même un sourire une ou deux fois, jusqu'à ce que le jeune homme change totalement de regard alors qu'elle lui disait son nom. A lui coller des sueurs froides dans le dos. Elle savait que les minutes à venir ne seraient pas des plus faciles. Nerveusement, elle remit une mèche de sa chevelure brune derrière son oreille, et encaissa le coup lorsque Troy lui parla le plus froidement possible. Elle n'avait apparemment pas été toute rose par le passé. Elle l'assumait, mais n'était peut-être pas prête de recevoir des réponses de ce jeune homme, qui semblait lui en vouloir par dessus tout.

- Wow, je... Euh j'habitais en Espagne et j'ai... Comment dire? J'ai eu un accident, et...

Le son de la voix peu assurée de la jeune femme diminuait au fur et à mesure que le regard froid de Troy la transperçait. Elle n'alla donc pas plus loin. La culpabilité de ne rien savoir l'avait envahie lorsqu'elle s'était rendue chez Melany et Night, mais là c'en était une toute autre. Encore plus forte. La culpabilité d'avoir fait quelque chose dont elle ne savait strictement rien, mais qui apparemment avait touché au plus profond ce jeune homme. Au bout de quelques secondes de silence, elle recula de quelques pas sans prendre la peine de récupérer la photo et s'excusa.

- Je suis désolée, je n'aurais pas dû venir. Ce n'était pas très respectueux. Oublie tout ça, ce n'est pas grave, je...

Elle se stoppa net, la bouche entrouverte, puis hocha la tête fermement pour lui faire comprendre qu'il était inutile qu'elle termine sa phrase. Elle tourna les talons, descendit quelques marches, jeta un dernier regard à Troy, puis se rendit à sa voiture sans demander son reste.

Alors qu'Holly se rendait à sa voiture, le bruit de la porte d'entrée qui claqua la fit violemment sursauter. Elle s'arrêta un instant, sentant les larmes lui monter aux yeux, soupira un grand coup puis continua son chemin. La brunette ouvrit sa portière côté conducteur, et alors qu'elle retirait sa veste histoire de conduire plus à son aise, elle vit la chienne de Troy sauter par une fenêtre et lui foncer dessus.

- Wola, doucem...

Pas le temps de dire les dernières syllabes qu'elle se retrouvait déjà plaquée contre le sol. Les pattes de la chienne lui écrasaient le thorax, mais son attention était plus portée sur les coups de langue que celle-ci lui donnait joyeusement. Holly se mit à rire, puis réussit à la stopper dans son élan de trop grande affection. Elle parvint quelques secondes plus tard à se redresser pour se mettre en position assise.

- Hey salut Jade!

Inconsciemment, Holly venait de se remémorer le nom de la chienne de Troy. C'était loin d'être un détail insignifiant, pourtant la jeune femme ne se rendit même pas compte une seule seconde de ce progrès. Elle caressa affectueusement le pelage doux et soyeux de la chienne, puis la repoussa doucement pour qu'elle se recule légèrement. Un clapotis régulier attira alors son attention. Elle se leva tout en faisant une dernière caresse à Jade, le regard fixé sur un point fixe. La jeune brune s'avança de quelques pas vers la cloture de la maison, et découvrit alors la piscine qui provoquait ce bruit plaisant à l'oreille d'Holly. Elle passa plusieurs minutes à l'observer en silence, tandis que Jade venait la bousculer dans ses pensées de temps à autres en se collant contre ses jambes.

Mais toute l'attention d'Holly à cet instant, était retenue par cette étendue d'eau chlorée. Ses mains se posèrent doucement sur la cloture, sur laquelle elle prit appui pour mieux pouvoir observer cet endroit qui lui avait procuré une sensation très étrange dès l'instant où elle y avait plongé ses yeux. Holly inspira alors à pleins poumons en fermant les yeux, comme si quelque chose l'atteignait au plus profond d'elle-même. Un aboiement brusque la sortit subitement de ses songes, alors qu'elle sentait que plusieurs souvenirs étaient prêts à l'atteindre. Elle tourna la tête vers Jade en arborant un sourire triste. La jeune femme s'assit alors à même le sol, lentement, comme si tout le poids du monde pesait au-dessus d'elle. Elle accueillit une nouvelle fois la chienne qui vint se coller contre elle, et la caressa doucement en la serrant contre son côté droit.

Allongé sur le parquet, Troy laissait sa fontaine s'écouler: il savait que le meilleur moyen de retrouver un certain calme était d'évacuer toute cette rage qui l'avait rendu méconnaissable. Fermant les yeux pour rechercher un peu de paix et de tranquilité, le jeune homme puisait dans ses réserves pour contrôler ses émotions: doucement, son coeur reprit alors un rythme normal et les différentes douleurs s'évaporèrent comme par enchantement. Sans énergie, Troy ne prit pas le risque de se relever immédiatement: souvent comparé à une force de la nature durant de nombreuses années, le jeune homme affichait aujourd'hui de sérieuses lacunes physiques qui montraient à quel point il était important d'entretenir son corps au quotidien.

Hésitant un court instant, Troy laissa sa curiosité le mettre face à ses responsabilités: jetant un nouveau coup d'oeil à cette photo, il fit subitement le parallèle avec un cliché de sa propre famille qu'il gardait précieusement dans un coin de son esprit. A cette époque, Troy habitait encore à Chicago et ses parents étaient plus unis que jamais: le jeune homme vivait alors dans l'insouciance de l'enfance. La disparition de sa mère fut alors le premier drame que le destin mit en travers de sa route: sa mort plongea Troy dans une véritable détresse. Difficile d'oublier une période aussi sombre de son existence: en à peine quelques jours, le jeune homme s'était complètement transformé devenant une épave qu'on aurait presque pu jeter aux oubliettes. Durant de nombreux mois, Troy n'avait même pas tenté de se battre pour remonter le pente préférant s'appitoyer sur son sort: la rage qui l'animait était alors à la hauteur de l'injustice qu'il ressentait. Le jeune homme ne comptait plus le nombre de fois où il avait prié pour sortir de ce cauchemar ayant parfois l'intime conviction que sa mère se trouvait à ses côtés pour le surveiller: un infime espoir provoquait alors une étincelle au fond de son coeur mais la flamme se consumait rapidement lorsque Troy ouvrait les yeux constatant qu'il était en fait désespérément seul.

Essuyant quelques larmes qui coulaient sur ses joues, Troy se cogna volontairement la tête contre la porte d'entrée: il avait trouvé son comportement si immature qu'il voulait se remettre les idées en place. Quand le jeune homme avait perdu sa mère, il aurait sans nul doute accepté tous les sacrifices du monde pour pouvoir la serrer une toute dernière fois dans ses bras mais le destin le lui avait pas accordé ce privilège. Aujourd'hui, il semblait se montrer plus clément et lui offrait la possiblité de rattraper le temps perdu avec Holly. Pourtant, il avait trouvé le moyen de gâcher cette opportunité en la traitant comme une pestiférée...

* Mais qu'est ce qui m'est passé par la tête? *

Complètement découragé, Troy se releva péniblement tout en rangeant la photo dans une poche de son pantalon. Faisant le tour de l'appartement, il fut surpris de constater que Jade avait disparu: sa pierre précieuse allait finir par le rendre dingue. Jetant un coup d'oeil dans le jardin, il aperçut Nina et Mathéo qui s'amusaient dans la piscine et leur fit un signe de la main pour les rassurer: pour l'instant, le moment était mal choisi pour leur parler de Holly. Poussant un soupir à peine audible, Troy sortit ensuite dans la rue: aussitôt, un aboiement attira son attention rassurant le jeune homme qui allait tout de même se charger de punir Jade pour son indiscipline. Le spectacle auquel il assista le laissa alors sans voix: visiblement, sa chienne s'était chargée de réparer son erreur

* Je te revaudrai ça *

Observant Holly qui calinait Jade avec beaucoup de tendresse, Troy fit un léger sourire tout en ressentant un pincement au coeur. Il se trouvait tellement stupide qu'il ne savait pas comment l'aborder. Pourtant, il n'avait plus le choix: il devait passer à l'action pour comprendre le mal qui la rongeait de l'intérieur. S'approchant sur la pointe des pieds, Troy arriva finalement à la hauteur de Holly: il comprit tout de suite qu'elle était plongée dans ses pensées n'ayant absolument pas remarqué sa présence.

- Est-ce que l'idiot que je suis peut se joindre à toi?

Le regard plongé dans l'horizon, la chienne de Troy toujours collée contre elle, Holly se laissait aller à penser à son bouquin, sans savoir pourquoi. Ce n'était pas réellement le moment approprié, mais les pensées de la jeune femme étaient pourtant toutes dirigées vers cette liasse de feuilles qui feraient bientôt leur apparition dans le commerce international. Comment allait-elle réagir face à tout ce qui allait arriver en même temps que ce livre? Comment avait-elle géré tout ça la première fois? Elle n'en avait plus aucuns souvenirs. Et elle détestait ne pas se souvenir. Elle avait déjà eu du mal à gérer la presse lorsque les auteurs à scandales avaient appris pour son accident, et l'avaient harcelée pour une raison encore indéfinie aux yeux de l'intéressée.

Holly entendit comme un léger craquement de brindille derrière elle, ce qui eut pour effet de la sortir de ses pensées. Un sourire affiné fit son apparition sur son visage. Elle se doutait bien qu'il s'agissait de Troy, du moins elle l'espérait. Sa main droite vint se poser sur l'herbe, juste derrière son dos. Elle prit appui sur son bras, tandis que l'autre tenait toujours Jade collée contre elle. La brunette tourna les yeux vers la chienne, puis lui adressa quelques mots d'une façon plutôt audible, pour une personne qui s'approcherait doucement derrière elle.

- Ton maitre est sacrément coriace, mine de rien. Tu crois qu'il mord?

La jeune femme acquiesça en soufflant pour elle-même un léger « Ouais », puis fixa l'horizon en attendant que Troy daigne enfin se montrer au grand jour. Chose faite, un sourire malicieux apparut aux coins des lèvres de la brune discrètement, elle finit même par laisser un petit rire cristallin s'envoler dans les airs. Pourquoi Holly riait? Elle aurait pu ressentir une certaine rancœur face au rejet brutal de Troy quelques minutes plus tôt, mais ce ne fut pas le cas. Peut-être parce qu'un sentiment très fort et surtout inexplicable s'emparait d'elle, et la poussait à vouloir inconsciemment redécouvrir ce jeune homme au plus vite. Adoptant de nouveau un air légèrement plus sérieux, elle tourna la tête à l'opposé de Troy et haussa les épaules d'une manière indifférente. Mais à peine quelques secondes suffirent à la faire changer subitement d'attitude. Elle tourna ses yeux bruns vers le jeune homme et lui adressa un sourire amical.

- Bien sûr. J'aime bien les idiots en plus, t'as de la chance.

Tandis que Troy s'installait à ses côtés, Holly relâcha doucement Jade, puis entoura ses genoux à l'aide de ses deux bras à présent libres. Elle laissa un moment passer, un long moment de silence qu'aucun des deux ne semblait apte à briser. Pourtant Holly finit par prendre son courage à deux mains, et se lancer. Elle tourna légèrement la tête vers Troy, laissa passer encore un temps, et finit par dire.

- Tu veux peut-être... Que je t'explique ma situation?

Atteinte de toutes les émotions possibles et inimaginables depuis son accident, la demoiselle était pourtant passé outre l'épisode de la déstabilisation. Mais ce fut chose faite lorsque Troy plongea littéralement son regard bleu gris dans ses yeux bruns. Sans en savoir profondément la raison, la jeune femme sentit les pulsions de son coeur prendre assez rapidement une allure démesurée. Bien que posées sur l'herbe, elle ressentit pourtant bien la sensation du creux de ses mains qui devenaient moites au fil des secondes. Lorsque Troy se pencha légèrement en avant pour embrasser sa chienne sur le front, Holly tourna la tête à l'opposé et souffla lentement en fermant les yeux pour retrouver un rythme cardiaque dans les normes. Elle reporta toute son attention sur Troy, dès le moment où il confirma que son idée de l'éclairer à son sujet était pas mal. Elle hocha la tête, s'apprêta à se lancer, puis se résigna. En réalité, elle ne savait pas vraiment par où commencer. Quelques instants plus tard, elle décida d'attaquer par le plus simple selon elle.

- Eh ben... Je peux t'éclairer sur mon amnésie partielle, pour ce qui est du reste en revanche... Bref, c'est arrivé il y a deux mois. Comme je te l'ai "balbutié" tout à l'heure, j'ai eu un accident. Je traversais la route un peu n'importe comment selon les témoins, et une voiture m'a percuté.

Alors qu'elle lui racontait son histoire, Holly repensa à ce cauchemar qui tournait en boucle lors de son sommeil ces derniers temps. C'était un cercle interminable, et les heures d'insomnies étaient de plus en plus insoutenables. Alors qu'elle avait à nouveau la vision de cette voiture l'éjecter de la route, un frisson lui parcouru l'échine, et elle secoua la tête pour chasser cette image de son esprit. Après avoir déglutit avec peine, elle tourna à nouveau les yeux vers le visage de Troy.

- Je suis restée, deux semaines je crois... Deux semaines dans le coma. Quand je me suis réveillée, j'avais de multiples blessures, égratignures. Ce qui est bizarre c'est que j'en avais plusieurs sur le ventre qui avaient déjà cicatrisé à mon réveil...

La jeune brune souleva légèrement son tee-shirt pour montrer au jeune homme les blessures dont elle parlait. Elle passa son doigt sur une cicatrice au niveau de l'abdomen et refit le même geste sur sa hanche droite. Elle rabaissa son haut puis regarda Troy.

- Les médecins ont dit qu'elles devaient certainement dater de longtemps. Enfin bref, le point le plus important est certainement qu'à la suite de cet accident, j'ai perdu la mémoire. Voilà pourquoi j'ai tant de mal à remettre toutes ces choses et ces gens que je connais certainement très bien...

Les bras de la jeune femme entouraient toujours ses genoux d'une manière instable et mal assurée, tandis que sa tête était légèrement inclinée sur le côté. Son regard était fixé sur Troy pendant qu'elle lui contait les mésaventures qui avaient rythmé sa vie au cours des deux derniers mois. Bien qu'elle s'entêtait, à ne vouloir oublier aucuns détails qui auraient pu mettre Troy sur la piste d'on ne sait quel souvenir, ou anecdote de sa vie passée, ce dernier semblait absent par passes. En réalité, Troy avait un visage absent dans la globalité. Il passait par certaines étapes qui étaient loin de rassurer Holly.

En effet, le jeune homme avaient des expressions de peur qui passaient sur son visage. Mais le plus souvent revenait cette allure angoissée, qui ne laissait rien présager de bon pour la jeune femme. Son cœur se mit à battre à vive allure lorsqu'elle remarqua cette émotion reprendre possession du visage de Troy, alors qu'elle lui montrait ces cicatrices étranges au ventre. Inconsciemment, elle avait espéré les avoir récupérées lors d'opérations quelconques, pour rien de grave. Mais le visage de Troy laissait penser qu'il y avait quelque chose de beaucoup plus grave là-dessous. Et sa peur n'alla pas en s'arrangeant lorsque Troy lui confirma que pour en savoir plus sur ces blessures, il lui faudrait remuer un passé apparemment loin d'être tout rose. Elle baissa doucement la tête, sentant les larmes l'atteindre doucement mais sûrement. Mais qu'avait-il bien pu lui arriver par le passé?

La jeune demoiselle secoua la tête de gauche à droite lentement, pour remettre ses idées en place. Elle desserra enfin l'étreinte autour de ses jambes, et passa doucement ses doigts le long de sa frange pour la repousser légèrement sur le côté droit de son visage. Elle voulu prendre la parole, mais une boule dans sa gorge l'empêcha de le faire. Elle se résigna alors, et posa sa main sur ses yeux, massant doucement ses tempes à l'aide de son annulaire et de son pouce. La vue toujours recouverte par sa main, elle cligna plusieurs fois des yeux, inspira longuement puis s'adressa à cet homme qui la troublait un peu plus à chaque minute qui passait.

- Non... Il n'aurait s'agit que de moi, ça m'aurait été égal, je t'aurai demandé de tout me déballer dans les prochaines minutes, mais... Je vois sur ton visage que tu as l'air au moins aussi impliqué que moi, donc... Je préfère t'épargner des souvenirs apparemment plus douloureux qu'autre chose.

Holly retira enfin sa main de son visage, et passa alternativement ses doigts sous son oeil gauche, puis sous le droit pour effacer les larmes qui s'étaient échappées contre son gré.